Ma vie d’élève diabétique

Le 3 juillet 2024
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Dans ce témoignage poignant, Chami Moustoifa Bouniamine, élève en terminale, se livre sur sa vie difficile de diabétique de type 1. Il nous fait également part des réactions de son entourage à lannonce de sa maladie dans les pages suivantes.

Tout d’abord, ce que je vais vous expliquer relève de mes expériences et mes connaissances personnelles en tant que diabétique.

Souvent quand j’annonce à mes nouveaux camarades que je suis diabétique, ils pensent directement au fait que je ne peux pas manger de sucreries ou que j’ai dû en manger trop pour que j’attrape la maladie. Ce qui est en partie faux !

Il faut savoir que le diabète est une maladie chronique due à un dysfonctionnement du pancréas. Le pancréas est un organe qui produit des hormones tels que l’insuline qui régule le taux de sucre dans le sang. Dans mon état, le pancréas ne produit pas d’insuline et il faut moi-même que je m’en injecte si je ne veux pas que mon taux de sucre soit très élevé.

Quand je découvre  ma maladie

J’ai découvert que j’étais diabétique en classe de 6ème. J’étais tout maigre, tellement maigre qu’on voyait mes os plus que ma peau, je buvais et j’urinais beaucoup. Le soir, je ne trouvais pas le sommeil car je devais constamment me lever pour aller aux toilettes. Au collège c’était pire, je levais constamment la main pour à aller aux toilettes alors que je suis quelqu’un de timide. Je me souviens qu’un jour, le professeur de technologie a réagi ainsi : «qu’est-ce que tu as de lever la main tout le temps comme ça, il faut aller voir le docteur». Je m’en souviens comme si c’était hier, cette remarque m’avait beaucoup touché.

A la maison, ma mère s’inquiétait beaucoup pour moi. Elle me préparait plein des remèdes traditionnels souvent conseillés par des anciens de la famille, grands-mères, grands-pères grands-tantes. Même ma prof de l’école coranique a conseillé à ma mère de m’amener à l’hôpital pour voir un médecin.

Vu que les remèdes de ma mère ne marchaient pas, nous sommes allés dans un cabinet privé situé à Tsararano, mais ce jour-là il n’y avait pas de médecin. Le lendemain, on est parti aux Jacaranda de Mamoudzou où j’ai pu voir un docteur. Après une consultation, on m’a vite transféré aux urgences de CHM. Le soir de mon transfert, on m’a hospitalisé en pédiatrie, c’était le 4 avril 2017. Pour la date, je demande toujours à ma mère, je ne veux pas la retenir.

Comment ça se passe au lycée et à la maison ?

Au lycée comme à la maison, je fais mes injections tout seul. Ça m’arrive parfois ou souvent de ne pas faire mes injections au lycée car je saute des repas ou je suis trop embarrassé de le faire devant mes camarades. Le fait de ne pas prendre mes injections me pose parfois des difficultés. Par exemple, pendant certains cours, ça m’arrive que j’ai un taux de sucre en dessous de la normale, ce qu’on appelle une hypo glycémie. Celle-ci peut causer divers symptômes tels que le tremblement, la transpiration, la nervosité, une vision trouble  et ainsi voir flou au tableau, l’envie de vomir et plein d’autres symptômes.

Il ne faut pas m’en vouloir quand je suis à côté de vous et que je dis que j’ai envie de vomir. L’hypoglycémie peut toucher n’importe qui, vous ou moi, mais elle est généralement fréquente chez les personnes diabétiques. A la maison, c’est le contraire de l’école. Si à l’école, je suis parfois en hypo glycémie, à la maison, je suis en hyper glycémie. En général, je suis en hypo glycémie la nuit à la maison mais les week-ends, je mange beaucoup. Bien sûr, je fais mes injections mais quand je mange beaucoup, les injections d’insuline ne suffisent pas à faire baisser le taux de sucre dans le sang. Contrairement aux symptômes de l’hypoglycémie j’ai souvent soif, j’urine beaucoup et j’ai une fatigue énorme, je me sens lourd. Actuellement, je viens d’aller aux toilettes trois fois et mon corps est tout bizarre. Je crois que je suis en hyper glycémie. J’ai même oublié de quoi je devais parler dans cette partie, je n’arrive plus à mes concentrer ni à réfléchir. Je vais prendre une pause avant de continuer cet article.

Mon suivi médical

Tous les 3 mois, je dois aller en consultation au CHM pour voir si tout va bien. Les infirmières du CHM me font une prise de sang et un prélèvement urinaire mais je ne vais pas rentrer dans les détails. Chaque année, je dois aller voir le dentiste, l’ophtalmologue et d’autres spécialistes.  Souvent ces rendez-vous tombent à l’eau à cause du manque de professionnels à Mayotte. En raison de ces déplacements, je rate beaucoup de cours essentiel et des contrôles importants.

Chaque année, l’hôpital organise une journée où les jeunes diabétiques se rencontrent pour échanger et revoir les bases.  On apprend des choses, on découvre les expériences des uns et des autres, aussi on peut poser des questions aux infirmiers et aux médecins présents.

Les conséquences à long terme

Déjà il faut savoir que le diabète est une maladie incurable. Mais on peut vivre avec en suivant un traitement d’injection d’insuline. Il existe deux types de diabète 1 et 2. Le diabète type 1 est héréditaire, c’est à dire qu’il risque de toucher l’un de mes descendants. Sachant que le diabète est une maladie à long terme qui me perturbe beaucoup, j’ai du mal à me projeter dans l’avenir, par exemple faire des études longues ou fonder une famille. Oui certains, vont me dire que c’est possible, qu’ils connaissent beaucoup de diabétiques adultes qui sont pères de famille ou qui ont fait des études longues, j’ai entendu ça des milliers de fois et ça ne me rassure toujours pas. Quand on a un diabète déséquilibré, on peut devenir myope ou même te couper la jambe parce que le sang ne circule plus vers là-bas et que ça s’est infecté.

Mon état d’esprit face à la maladie

Être diabétique pour moi, ce n’est pas facile. Quand t’apprend que tu as une maladie incurable et que tu dois vivre avec tout le reste de ta vie, je peux t’assurer que ce n’est pas facile.

Lorsque le médecin me l’a annoncé, je n’avais aucune idée sur cette maladie. Par contre ma mère a commencé à avoir les larmes aux yeux. Ma tante a aussi été dans le même état quand elle apprit la nouvelle.

Mon oncle et ma grand-mère sont les personnes qui me comprennent le mieux quand j’essaie de me confier, je crois que c’est parce que mon grand-père paternel l’a aussi été.

Cela fait déjà six ans que je suis malade et je me pose beaucoup question. J’ai moins confiance en moi de jour en jour.

Malgré mes doutes et mes craintes, je n’oublie pas de passer du temps avec les gens qui m’entourent.


Chami Moustoifa Bouniamine (TG01), LPO de Dembeni

Les réactions de mes proches et camarades

Je nai jamais su la réaction de mes amis proches quand ils ont appris que j’étais diabétique. Je leur ai donc demandé leur ressenti sur ce moment.

« Parfois on saute des repas pour ne pas se faire des injections »

Voici le témoignage d’une amie aussi atteinte du diabète, Hichima, élève de 2nde.

« Je suis diabétique depuis ma classe de 4ème. Les gens pensent qu’être diabétique, cest être privé de sucre. Or cest faux, tout le monde doit consommer du sucre pour se sentir mieux. Surtout quand on est en hypoglycémie, comme la mentionné Bounou. Je peux tout à fait comprendre que ce soit embarrassant de faire les injections devant ses camarades. Moi aussi, ça marrive très souvent de sauter des repas pour éviter de me piquer. Être diabétique, ce nest pas facile comme vous pouvez le deviner. C’est une maladie qui ne se voit pas mais qui est vraiment difficile.

Sachez que nous les personnes diabétiques, nous nous soutenons car parfois nous vivons des journées vraiment compliquées. Je demande aux gens de prendre soin deux et de faire attention à leur santé. J’espère que à travers ce témoignage, vous avez appris un peu plus sur cette maladie. Oui, il n’y a pas que le diabète comme maladie. Jai aussi une pensée pour les personnes en mobilité réduite ou qui souffrent dasthme par exemple.»

Hichima, malade du diabète

 

« I was shocked ! »

Je commence avec un bon ami, celui qui m’a fait découvrir l’univers du manga japonais, avec qui je peux débattre pendant des heures. Un ami que je peux qualifier de frère car chez moi, c’est chez lui et sa mère, c’est ma mère.

« Je connais Chami Moustoifabouniamine surnommé Bounou depuis mon année de CM2, donc la 6ème pour lui. Il était un garçon bien, sportif et vif desprit à mes yeux. A aucun moment le fait quil soit diabétique ne ma traversé lesprit. Jusquau jour où je lai vu perdre anormalement de la masse. Après ça, je lai vu de moins en moins. C’était dû à ses nombreux va et vient entre lhôpital et chez lui. Quand il, ma annoncé quil était diabétique, «was shocked» comme diraient nos chers Américains. À cette époque, il ne se laissa pas abattre et commença le basket malgré sa maladie. Maintenant, comme vous pouvez le voir, il a repris du poil de la bête.»

Istakfidou

 

« Quand allais-je te revoir ? »

Voici la réaction d’un ami que je connais depuis l’époque de l’école coranique.

«jai appris ce qui est arrivé à Bouniamine, ça ma choqué. La première chose que jai pensé était : «allais-je te revoir ?» Cela ma beaucoup perturbé. Cette pensée est montée de plus en plus dans ma tête. Le fait que jaillais ne plus te revoir me hantait.moi, c’était normal, la plupart des jeunes ont cette maladie. ça choque au début quand on l’apprend mais on finit par shabituer, je ne connaissais pas les causes jusqu’à une personne me les explique. Il y a deux types de diabète 1 et 2. Le 1 est causé par un dysfonctionnement du pancréas et le 2 par les aliments que nous consomment si on ne fait pas attention.»

Un ami denfance

 

« Il ma fallu au moins un an pour men rendre compte »

« Au début, quand mon frère est  tombé malade, je ne savais rien, il ma fallu au moins un an pour men rendre compte même si javais remarqué quil était un peu trop mince et quil allait de plus en plus à lhôpital. Moi et mon deuxième grand frère, on devait dormir chez des amies de ma mère.

Peu à peu, mon frère a commencé à aller mieux, il allait moins à lhôpital mais on le voyait rarement à la maison. Jai alors découvert que mon frère était atteint par le diabète.»

Frère cadet

 

« Je suis bouche bée ! »

« Je suis bouche bée, je viens dapprendre que mon camarade de classe de cette année avait une maladie, cest-à-dire le diabète. Je ne connais personne de mon entourage qui a cette maladie. Je me pose des questions, par exemple : est-ce qu’il va bien ? Se sent-il différent des autres, choisit-il sa nourriture, est-ce qu’il ne doit pas pratiquer certaines activités ou tout simplement voudrait-il en parler ? Courage à tous ceux qui ont cette maladie. Je sais que cest difficile, mais je crois en vous.»

Une camarade de classe

 

«Bounou reste un combattant »

« J’ai connu Bounou quand j’étais en classe de Seconde. Un jour, alors que nous étions au terrain de basket de Dembeni en train de jouer comme chaque jour, j’ai vu son capteur de glycémie, je lui ai donc demandé ce que c’était. Il m’a répondu que ce n’était rien. Suite à cet événement, c’était une évidence quil était diabétique et quil naimait pas en parler. Je me suis donc renseigné, jai su que cest difficile pour lui et sa famille. Malgré cela ce jeune Bounou reste un combattant, malgré sa maladie chronique il pourra fonder une famille et faire des études. »

Chakil

 

« Bounou est devenu un prince aux yeux de ma famille »

« À cause de mon frère et sa maladie, je suis passé dun monde où je me sentais le préféré de maman à un monde où maman me regarde très différemment. Que dire ou que faire ? A cause de sa maladie, Bounou est devenu un prince aux yeux de ma famille et mes conditions de vie ont changé. »

Youssouf, frère

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